AZIS, MUSICIEN STAR, QUEER, ROM ET BULGARE. (2)
Et c’est à cet endroit que Piro Rexhepi fait intervenir le génial Azis, musicien rom et bulgare, queer, homosexuel, qui emprunte non seulement son nom, mais une partie de sa musique au monde musulman, mais aussi au folklore bulgare et aux traditions Roms, notamment la Chalga (ou : Tchalga – préférez l’article en anglais : celui en Français est vraiment médiocre). Comme on le lira dans les extraits suivants, traduits « vite fait », Azis se situe précisément à entrecroisement de des angoisses envers les races, les réfugiés et les identités queer, qu’il perturbe et bouscule de manière provocante et avec talent, entraînant avec lui toute une partie de la société, notamment les “subalternes”, les minorités, les milieux populaires, les jeunes bien entendu, et tous ceux qui veulent résister au suprématisme blanc qui tente de s’imposer dans la région. ce faisant, son exemple, et l’espère, et c’est la raison pour laquelle j’invite le plus grand nombre de lecteurs à lire ce livre toute affaire cessante, (et pourquoi pas à un éditeur francophone d’envisager une traduction), c’est qu’il bouscule aussi ce que j’appelle le « colonialisme intime » persistant des Européens de l’Ouest, et les mythes sur lesquels reposent nos ignorances et la violence de nos politiques immunitaires.
Le danger désormais patent de cette externalisation de la violence raciale dans les zones tampons de l’Europe, c’est qu’elle finit par devenir contagieuse et revient de manière irrésistible s’installer dans l’agenda politique des pays supposés défenseurs des droits de l’homme ou incarnant la tolérance. De manière spectaculaire, les thèses du grand remplacement et du suprématisme blanc reviennent sans scrupules saturer les débats en Europe de l’Ouest, et ne sont plus, loin s’en faut, l’apanage des partis d’extrême droite. On avait voulu taire les racines profondément racistes de l’histoire esclavagiste et coloniale de l’Europe en les neutralisant dans un lénifiant récit post-colonial et en exportant ces angoisses raciales dans les pays limitrophes. Mais le refoulé revient sur le devant de la scène, non plus à titre de hantise, mais comme le dévoilement de ce qui avait toujours été là, et avait constitué un des motifs continus de l’histoire récente. Comme si, en élargissant « l’Europe des blancs » pour des motifs géopolitiques, dans ce style paternaliste que les institutions européennes réservent aux pays post-socialiste par les institutions européennes, la contagion raciste finissait par déborder les murs de la forteresse immunitaire blanche : en se protégeant de la mythique menace islamique, noire, queer, roms, etc., l’Europe ouvre en grand les portes à une nouvelle ère possiblement fasciste.
Les extraits traduits sur mon blog et quelques vidéos d'Azis :
AZIS, MUSICIEN STAR, QUEER, ROM ET BULGARE. (1)
Extraits traduits du livre "White Enclosures" de Piro Rexhepi, précédés d'une présentation (que je copie colle ci-dessous) (traduction et présentation par votre serviteur donc)
Ce livre exceptionnel White Enclosures. Racial Capitalism and Coloniality along the Balkan Route, de Piro Rexhepi, qui se définit lui-même comme un « queer Albanian Muslim from Macedonia »,, explore les relations complexes entre les Balkans, l’Europe, et le reste du monde, notamment le monde “oriental” arabo-musulman, à l’heure où la région, de la Turquie aux États de l’ancienne Yougoslavie, en passant par la Grèce, la Bulgarie, ou la Hongrie, constitue une des voies d’accès pour les réfugiés venus du proche et moyen orient, ou encore de l’Afrique de l’Est, vers l’Europe de l’Ouest et du Nord. Le livre nous emmène au Kosovo, revenant à cette occasion sur la signification politique et raciale de la guerre menée par la Serbie contre les populations musulmanes de Bosnie dans les années 90, en Albanie, mais aussi en Bulgarie comme nous le verrons, où sévit un racisme politique, notamment envers les Roms et les musulmans (les roms bulgares étant de surcroît de religion musulmane) qui n’a rien à envier à celui que mènent Orban et sa clique en Hongrie.
Rexhepi montre que cette résurgence de récits racistes dans les pays balkaniques s’inscrit à la fois dans des angoisses démographiques « nationalistes » (la peur du déclin et du grand remplacement par des populations non-blanches), et dans la consolidation de la forteresse européenne (ou les politiques « immunitaires » du bloc de l’Ouest pour reprendre l’expression de Roberto Esposito), laquelle repose en grande partie sur l’intégration des anciennes républiques socialistes à l’Europe au titre de « zones tampons » avec le reste du mond – et notamment la menace fantasmée d’une invasion terroriste islamique. Il faut ici remplacer, dans le cas de l’Europe, mais aussi d’autres parties du monde (autour de la Chine par exemple, ou des USA), le terme « frontières », qui évoque une ligne tracée entre deux territoires, par celui de b/order, qui qualifie mieux ces zones tampons, en jouant sur les mots border, bordure, et order, ordre. L’Europe du Sud-Est, l’Afrique du Nord, la Turquie ou Israël, sont à ce titre des avants-postes ou b/order, dont les politiques généralement non-démocratiques, voire dictatoriales, bénéficient du soutien tacite des Européens de l’Ouest et du Nord, dans la mesure où ils se conforment aux missions qui sont les leurs, protéger la géographie, les mythes et les « valeurs » des anciennes puissances coloniales. En fermant les yeux sur le ségrégationnisme et la violence raciale de ces dirigeants des b/orders, les puissances européennes assurent les pays balkaniques de leur identité d’européens blancs – identité puisée dans une généalogie sélective qui remonterait à la période pré-ottomane. Les musulmans de Bosnie et d’ailleurs en Europe du Sud-Est, épine démographique dans le pied du suprématisme blanc, sont contraints d’incarner la version européanisée d’un Islam modéré (contrôlé par une sorte d’organisation “ecclésiale” comme au Kosovo, une sorte d’église d’Islam claquée sur le modèle des institutions hiérarchiques chrétiennes) sous peine d’être considérés et traités comme des terroristes potentiels ou des protecteurs d’un Islam radical.
Mais l’auteur va plus loin et articule de manière brillante la relation entre le racisme anti Roms et anti Musulman avec les politiques homophobes et anti-LGBTQ+ dont on sait combien elles ont servi un Viktor Orban dans sa conquête et son maintien au pouvoir – mais c’est vrai également en Bulgarie, où les partis nationalistes et populistes d’extrême droite saturent l’agenda politique depuis une douzaine d’années (vous me direz, c’est vrai aussi en France par exemple, et ce n’est pas pour rien que les dirigeants de Rassemblement National sont des invités réguliers des nationalistes Bulgares). La sexualité, à travers la menace d’un effondrement “nataliste” de la supposée « nation bulgare blanche », ou la mise en danger de son « patrimoine génétique », constitue en effet un enjeu majeur dans toute la région, et, aussi bien les Roms que les musulmans incarnent les pulsions sexuelles et reproductrices fantasmées, lesquelles, comme on l’entend très explicitement aux États-Unis, sont susceptibles non seulement de submerger le pays d’enfants « de couleur », mais aussi de séduire (et corrompre) les « femmes blanches », et de faire sombrer la nation dans une abominable mixité, impure et, dans le cas des pays Balkaniques : “Ottomane”.
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There is a Balkan pop music style, known alternately as #chalga, #tallava, and other names, that to the casual ear, often sounds almost indistinguishable from #reggaeton.